Jamais exactement là où elle devrait être, jamais attendue telle quelle, jamais tout à fait comme il faut. Ni d’eux, ni d’elles, ni d’iels, la voix poétique investit l’univers de la faille, cette imperfection qui devient ici un espace où repenser les possibles. Les trois suites poétiques du recueil sont tour à tour transgressives, grammaticales, joyeusement de guingois, et questionnent le matériau, celui avec lequel on forge une langue, celui contre lequel s’érodent les souvenirs.
La poésie de Bérard explore le queer, « peut-être le mot […] qui résume le mieux ce sentiment de ne pas totalement réussir à être comme il faut ». C’est de ce point de départ, l’impression d’être « un peu en avance ou en retard ou juste un peu à côté, de travers, à l’écart » que s’ouvre le chemin de l’écriture.
Après avoir remporté le prix de poésie Trillium 2018 avec Oubliez (Prise de parole), un magnifique premier recueil sur l’effacement, Sylvie Bérard démontre qu’elle sait créer une poésie d’une grande puissance d’évocation.
À croire que j’aime les failles
À louer les tremblements
Érigés en plein ou en creux
La route n’est droite dans aucun sens
Ses accotements abîmes
De souffles coupés
Ses pentes vertiges renversés
Des accidents
M’échouent sur le chemin qui mène
J’aimerais vous dire je m’y retrouverai la prochaine fois
Ou non