Titre évocateur, Béatitudes rappelle le Sermon sur la Montagne au cours duquel Jésus décrit les vertus des citoyens du Royaume des Cieux. Dans sa version des temps modernes, Herménégilde Chiasson propose un inventaire des gestes de tous «ceux» et «celles» qui «assurément sont en route pour le ciel». La liste se déploie doucement, prend de l’ampleur, s’intensifie :
ceux qui enlèvent leur manteau, exposant leur corps
en vue d’en faire une marchandise périmée et négociable,
ceux qui relèvent leurs manches,
celles qui reprennent leur souffle,
celles qui fixent un point autrement loin dans le vide,
celles qui n’en finissent plus de revenir du même voyage
interminable et décevant,
celles qui referment à tout jamais, une autre fois, une
dernière fois, pour toujours, des boîtes de souvenirs pénibles,
celles qui savent et qui ne diront jamais rien,
ceux qui ont su et qui n’ont rien fait,
ceux qui règlent leurs comptes et qui n’en peuvent plus
de grelotter sous le coup d’un frisson continuel,
celles qui chantent à tue-tête dans la tempête,
Les «ceux» et «celles» de Béatitudes ne vont pas sans rappeler les «Lui» et «Elle» du recueil Conversations, qui a valu à l’auteur le prix du Gouverneur général en 1999. Parlant de cette œuvre, le critique littéraire David Lonergan la décrivait comme «un véritable livre de chevet qu’il faut lire avec parcimonie, lentement, pour en saisir toutes les nuances.» Exhortation qui s’applique également à Béatitudes.